dimanche 11 novembre 2018

Souvenirs de guerre 1914-1918

1914-1918. Jean Léger était poilu au 359e Régiment d'Infanterie (formé des bataillons du 159e Régiment d'Infanterie de Briançon). Il a survécu à la guerre ; il nous a laissé un manuscrit d'une cinquantaine de pages, racontant la mobilisation, la vie militaire, le front, les combats... Un manuscrit qui n'a à priori jamais été publié, malgré ses voeux (1). Aujourd'hui, 11 novembre 2018, je vous propose de découvrir un petit extrait de ce manuscrit.



Nous étions en 3e ligne et devions aller à l'arrière. Contre-ordre, nous devons remonter pour soutenir et attaquer avec la division qui nous a relevé. 
Nous nous suivions en file. Nous arrivons au sommet du ravin qui descend aux pentes du Kemmel (2). Les Boches ont ... (3) du renfort. Ils n'arrêtent pas de canarder. Il faut traverser un terrain découvert pour utiliser le bois qui est sur le côté pour descendre aux 1e lignes pour éviter d'être vu.
Le Capitaine Guyon est en tête après nous avoir fait la recommandation d'utiliser un petit rebord de la route comme abri. Il avance jusqu'au milieu suivi des hommes mais ça tape tellement fort qu'il donne l'ordre de revenir en arrière. Nous nous planquons comme nous pouvons en attendant que ça se calme. À côté de moi, je vois un poilu qui est étendu. On dirait qu'il dort. Je viens de passer là, il n'y avait personne. Je lui prends la main, elle est toute chaude. Je crois avoir à faire (sic) à un permissionnaire qui rentre et qui pour chasser le cafard a bu un coup de pinard de trop. Comme il ne répond pas à mon invocation de se mettre à l'abri, je le prends par les épaules et je le soulève pour l'asseoir. Au même moment, je sens mes godillots inondés, ma capote est pleine de sang. Le malheureux a reçu un éclat d'obus juste derrière la tête et en le soulevant le sang a jailli. C'est Leblanc, celui qui avait le cafard parce que sa femme l'avait trompée. Celui que j'avais été obligé de remplacer pour la corvée de soupe. Pauvre diable, il avait cherché la blessure auparavant et là il trouvait la mort.

Le capitaine Guyon, cité de nombreuses fois dans le texte, est également décédé durant la guerre. Jean Léger lui dédicace d'ailleurs son manuscrit : "Au capitaine Guyon de la 21e Compagnie du 359e Régiment d'Infanterie de Briançon".

Jean Léger écrit comme il parle, avec ses mots à lui, avec des mots d'argot. Son témoignage n'en a ainsi que plus de force et la souffrance, l'horreur de la guerre, l'émotion se font sentir à chaque page. 
En dernier lieu, le soldat Léger évoque un épisode qui s'est produit vers la fin de la guerre, en août 1918 : "un avion boche nous survolait et nous lançait des petits tracts." Il s'agissait d'une invitation à la paix...

(1) La pochette qui l'abrite porte en effet la mention : "À corriger - Pourrait être publié en réservant les droits d'auteur".

(2) Le mont Kemmel, Belgique, en Flandre-Occidentale. 

(3) Un mot est difficilement lisible. 

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